On a la belle vie me direz-vous, à siroter des cocktails en bord de mer après une belle session de planche, dans un cadre idyllique ... zzzzrrrzzzzz ... je vous offre aujourd’hui la face B de notre beau voyage !
Ceci non pour me plaindre notez-le mais pour faire connaître aux futurs voyageurs les quelques adaptations qu’engendre ce mode de vie :
Il faut savoir qu’avant l’apéro entre amis, nous n’avons pas rempli le lave-linge et appuyé sur le bouton on pour que le linge se lave et se sèche avant le lendemain matin !
Si nos bras sont endoloris par les bords de planche au planing, ils le sont tout autant par les gestes répétitifs de la brosse sur la toile tâchée de nos habits (surtout ceux de Jean-Christophe – les bras, pas les habits). Et cette tâche revient souvent puisque vivants en pleine nature la plupart du temps, nos vêtements se tâchent davantage que sur les bancs de l’école, dans les cours de récré ou derrière un bureau climatisé.
Notre dernière grande lessive nous a demandé 3 bacs de lavage, 9 bacs de rinçage, 12 m de fil à linge, soit 4 heures de nettoyage et des heures de séchage (à l’heure où j’écris ces lignes, du linge pend encore dans le bac à douche).
Rassurez-vous, nous avons aussi la chance d’avoir à disposition un bon réseau de laverie où tout est pris en charge pour pas grand chose mais malheureusement, le résultat n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes, pourtant pas si élevées (d’où la dernière grande lessive !)
Le must est de rencontrer une bonne âme qui nous propose de laver notre linge dans sa machine à laver et de le faire sécher au soleil avant de nous le rendre propre et parfumé, ce qui est (très) rare ! Vive la machine à laver.
Par ailleurs, avant de nous lancer dans les châteaux de sable avec les enfants, nous ne pouvons nous contenter de fermer le robinet de l’évier une fois la vaisselle lavée ou de tirer la chasse d’eau après le passage des enfants. Le tout-à-l’égout (pour itinérants j’entends) n’étant pas très répandu en Amérique du Sud, il convient de se préoccuper de vider les toilettes et les réservoirs d’eaux usées, un jour sur deux.
Je n’ai pas encore vu sur le net de fichiers PDF indiquant les meilleurs endroits pour effectuer cette tâche ingrate mais autant vous dire que le voyageur y pense à chaque instant, analysant inconsciemment le paysage, même le plus magnifique, afin de déterminer le meilleur endroit pour « se soulager » tout en passant inaperçu : « ah non, ici, les toilettes sont trop propres », « ah non, là, on est trop proche d’une habitation », et puis « là-bas, le bas-côté n’est pas stabilisé, ce serait dommage de s’enliser ! »
Après quelques semaines, le geste devient automatique et la contrainte presque supportable. Enfin, je devrais laisser parler Jean-Christophe qui se charge de cette tâche en plus de la lessive, quel homme !
Pour le futur voyageur soucieux de l’environnement, qu’il se rassure, nos toilettes ne contiennent rien de chimique (ce que mon odorat regrette parfois après une longue journée de piste ...). En revanche, vidanger les eaux usées est un vrai problème car aucun espace n’est prévu à cet effet et malheureusement shampoing et liquide vaisselle se déversent en pleine nature et leur composition ferait pâlir José Bové et les produits bio sont ici introuvables.
Néanmoins, pour donner un petit moins mauvaise conscience au futur voyageur qui n’aurait pas de soute assez grande pour emporter sa réserve de savon liquide et de liquide vaisselle biodégradables, il faut qu’il sache que personne ne le montrera du doigt ici.
Quelle ne fut pas ma stupeur de découvrir que l’eau savonneuse de notre « grande » lessive pour laquelle nous nous sommes rendus exprès au camping se déversait non dans une fosse septique mais dans le potager voisin !
Puisque nous abordons le chapitre mea culpa, nous avouons également que le tri sélectif est un geste qui a totalement disparu de notre quotidien non pas que nous ne consommions pas de boissons en canette, de légumes en boite ou de gâteaux aux emballages cartonnés, mais le geste est ici totalement incongru, voire handicapant !
La dernière fois que nous avons voulu recycler, il a fallu stocker pendant 3 semaines un sac encombrant pour finalement réaliser que les poubelles colorées (une couleur par matériau, verre, alu, papier, organique) n’étaient absolument pas utilisées, certaines personnes ramassant directement sur la plage les canettes qu’elles revendent pour trois sous (à nous culpabiliser de nettoyer les plages !). Nous avons également stocké une bouteille de gaz française pendant deux mois avant de s’en débarrasser chez un ferrailleur éberlué. Enfin c’est du passé car en bon voyageur, nous nous sommes rapidement acclimatés ...
Néanmoins, que Surfrider Foundation Europe et Surfrider Foundation Argentine se rassurent, nous suivons à la lettre la devise Rise above plastics : nous refusons systématiquement les sacs en plastique proposés, nous déplaçant avec nos sacs Yo amo mi playa même pour acheter les fruits et légumes et surtout nous buvons l’eau courante nettoyée de toutes ses impuretés grâce à notre filtre catadyn.
Ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas d’une carafe Brita qui repose bien gentiment sur le plan de travail de la cuisine après avoir été remplie d’eau calcaire du robinet mais d’une pompe filtrante manuelle ! Voilà une nouvelle occasion pour le windsurfeur de se faire les bras avant de se lancer sur la vague : tous les jours, nous filtrons 6 litres d’eau pour les besoins de la petite famille. Autant vous dire que tout le monde finit son verre !
Enfin, après ces corvées hautement intellectuelles, il me reste une dernière action à accomplir pour achever sereinement la journée : l’école !!
Non, je ne vous parle pas de la récréation parfois bien méritée que je pourrais m’offrir en envoyant les enfants à l’école mais bien de la difficile tâche qu’elle représente pour le voyageur accompagné de ses bambins.
C’est un moment unique qui me permet de passer du temps avec les enfants, de partager un savoir, de réviser mes bases, de m’appliquer dans l’écriture, de corriger au lieu d’être corrigée, de me répéter, de m’impatienter, de me fâcher, de m’énerver avec l’ordinateur, de scanner les évaluations et de les redimensionner, de chercher Internet, mais aussi d’échanger avec papa (notre « facteur »), de féliciter mes fils pour leurs bons résultats, de leur donner confiance en eux, de me dire qu’être enseignant, c’est un sacré métier !!
Ouf, la journée est terminée !
Je vous épargne le nettoyage du camping-car remplit de poussière après les pistes, les pneus crevés à tout bout de champ, le choix de l’emplacement pour la nuit, et tous les autres petites contraintes de notre quotidien qui nous permettent de garder un peu les pieds sur terre !
Je vous laisse ici savourez en photos les quelques autres activités du voyageur quand il n’est pas sur sa planche à voile !